Pas de clémentines aujourd’hui, ni de lapin du Mordor mais un peu de science pour changer… Et plus particulièrement des travaux publiés il y a quelques semaines par une équipe de chercheurs français dans le domaine du VIH et qui sont vraiment originaux.
Hop… on lit.
(et n’hésitez pas à poser des questions s’il y a des choses que vous ne saisissez pas)
🙂
Le sida, un enjeu majeur de santé publique
On considère que 34 millions de personnes vivent avec le VIH1 dans le monde (chiffres OMS pour 2011). La région la plus dramatiquement touchée par cette épidémie est l’Afrique subsaharienne puisqu’un adulte sur vingt y vit avec le VIH, ce qui représente près de 69% des personnes vivant avec le virus dans le monde. En France, l’épidémie reste stable avec un total de 160 000 personnes séropositives en 2011. Si le nombre de décès a diminué à partir du milieu des années 2000 grâce à l’élargissement et à l’intensification des traitements antirétroviraux, on déplore encore 1,7 million de décès liés au sida2 en 2011. Ceci amène le bilan total à près de 25 millions de morts dans le monde depuis la découverte du virus en 1983. La lutte contre sida reste donc un enjeu majeur de santé publique.
Un virus jusqu’à présent impossible à éliminer
A ce jour, il n’existe pas de traitement curatif permettant une élimination définitive du virus lorsqu’une personne a été infectée. Les thérapies antirétrovirales ont permis de sauver des millions de vies dans le monde depuis leur mise en place. Celles-ci permettent de diminuer la réplication du virus dans l’organisme et de restaurer le bon fonctionnement des défenses immunitaires. Néanmoins, sauf dans de très rares cas, cette thérapie doit être maintenue à vie. En effet, l’interruption du traitement antirétroviral entraine très rapidement une propagation du virus, une destruction des défenses immunitaires de l’hôte conduisant au sida et, au bout de quelques années, à la mort de l’individu qui succombe à des infections opportunistes.
Un vaccin difficile à mettre au point
Le VIH est un virus possédant de très grandes capacités mutagènes. Ainsi, deux individus séropositifs ne vont pas exprimer les mêmes variants exacts du virus, et chez un même individu, le virus va beaucoup évoluer avec le temps. La mise au point d’un vaccin contre le sida est donc une entreprise complexe et difficile. Jusqu’à présent, les différents essais vaccinaux anti-VIH visaient à stimuler la production d’anticorps neutralisants dirigés contre le virus et à induire le développement d’une population spécifique de cellules du système immunitaire. Celles-ci, appelées lymphocytes T cytotoxiques, ont la capacité de détruire les cellules infectées. Bien que ce type d’approche vaccinale soit utilisé de façon très efficace pour lutter contre de nombreux virus (grippe, polio, rougeole, hépatite B…), les résultats obtenus lors des essais cliniques vaccinaux anti-VIH se sont avérés jusqu’à présent être plutôt décevants (essai Thaïlandais AIDSVAX et essai STEP). Ceci ne signifie toutefois pas que ce type d’approche soit forcément voué à l’échec, et on attend avec impatience les résultats que donneront l’essai clinique mené à Marseille par Erwan Loret et qui vient tout juste de débuter…
Vaccin tolérogénique: une toute nouvelle piste encourageante
Néanmoins, les résultats publiés ces dernières semaines dans la prestigieuse revue Cell (le Saint Graal des chercheurs en biologie) par l’équipe de chercheurs dirigée par Jean-Marie Andrieu, professeur à l’université Paris Descartes et Louis Wei Lu de l’Institut de Recherche pour le Développement (IRD) à Montpellier ont apporté un nouvel espoir de développer un vaccin efficace contre le sida.
L’approche très originale des chercheurs est basée sur le fait que l’activation des lymphocytes T CD4 (les cellules du système immunitaire qui sont les cibles du VIH et du VIS3) est une étape indispensable à la réplication initiale du virus et à sa dissémination dans l’organisme. Forts de cette observation, les scientifiques ont cherché à développer un vaccin qui inhiberait cette étape cruciale d’activation des lymphocytes T CD4. (un vaccin qui ne simulerait donc pas la production d’anticorps neutralisants ou le développement des lymphocytes T cytotoxiques, contrairement aux autres vaccins anti-VIH en cours d’essai clinique).
Pour cela, ils ont tiré partie de l’existence des bactéries commensales de l’organisme. En effet, ces bactéries non pathogènes qui vivent dans notre intestin ont la capacité d’induire une tolérance à leur égard en diminuant la réactivité des cellules du système immunitaire. En développant un vaccin oral composé de virus inactif et de la bactérie intestinale Lactobacillus plantarum, les chercheurs ont réussi à inhiber l’activation des lymphocytes T CD4 infectés par le VIS et à étendre la tolérance du système immunitaire au virus présent dans le vaccin (et donc plus uniquement à la bactérie).
Les résultats obtenus sont plus qu’encourageants puisque que 15 des 16 macaques immunisés avec ce vaccin se sont avérés être protégés contre l’infection lorsqu’ils ont été contaminés par de fortes doses de virus actif plusieurs mois plus tard.
Ces résultats très prometteurs ouvrent de nombreuses perspectives thérapeutiques, et les chercheurs espèrent que ce vaccin efficace chez le singe sera transférable à l’homme.
A suivre donc…
🙂
1VIH : virus de l’immunodéficience humaine
2 sida : syndrome de l’immunodéficience acquise
3 VIS : virus de l’immunodéficience simienne, équivalent chez le singe du VIH
mais c’est génial ça! bravo les chercheurs! c’est completement fou je trouve, ce boulot.
merci pour cette note, c’est hyper intéressant !
^^
Je trouve ça foufou qu’on soit potentiellement capable d’avoir un vaccin contre le sida avec des cellules intestinales (comme quoi, rien ne se perd :p)…
J’ai hâte de voir les résultats!
Et ça veut dire que si c’est concluant, c’est la France qui aurait inventé le vaccin contre le sida?
Un article plein d’espoir dis donc ! 😉
c’est fou de se dire qu’on va réussir à vaincre un virus en apprenant au corps à le tolérer. Enfin à ne pas réagir contre lui pour qu’il ne se multiplie pas.
Je ne suis pas sûr d’avoir tout compris mais ça tombe bien, on est là pour poser des questions 🙂
Si un autre virus active les lymphocytes T CD4, le VIH, qui est un petit opportuniste, ne va-t-il pas en profiter pour en infecter un et commencer la multiplication ?
On serait donc porteur/transmetteur du virus sans qu’il ne nous fasse le moindre mal c’est bien cela?
J’ai TOUT compris! 🙂 (mais je vais quand même lire les réponses aux questions que les filles posent, moi je suis nulle pour poser des questions, mais au final je suis toujours contente quand les autres le font, alors bon voilà)(BREF)
>>> minisushi: C’est encourageant oui, après il faut passer au stade des essais cliniques sur l’homme pour voir si ça fonctionne de la même façon que chez le singe
🙂
>>> lou: oh mais de rien ! je trouve ça important de « faire passer les découvertes ».
🙂
>>> larcenette: l’approche est originale en fait, ici on essaie de garder le système immunitaire « sous contrôle » pour qu’il ne réagisse pas lors de l’infection et qu’il « tolère le virus » comme il tolère les bactéries de ton intestin. Du coup, les lymhocytes T CD4 ne vont pas s’activer (répondre au virus) et si elles ne s’activent pas il n’y a pas de propagation du virus dans l’organisme.
🙂
>>> MC: oui ! on avance, et à force d’essayer, j’ai bon espoir qu’on trouve une solution.
🙂
>>> Joelle: oui c’est exactement ça, et c’est là que réside l’originalité de ce travail. La plupart des vaccins tendent à provoquer une forte réaction immunitaire contre le virus…
🙂
>>> Mr Peer: LA bonne question. Je n’en ai pas parlé dans l’article pour simplifier l’histoire mais il y a une autre population de lymphocytes qui est impliquée.
En effet, les chercheurs ont identifié une population de lymphocytes T CD8 régulateurs (différents des lymphocytes T cytotoxiques) induite spécifiquement lors de la vaccination. C’est la première fois qu’on décrit cette population et il s’avère que ce sont ces lymphocytes T CD8 régulateurs qui vont empêcher l’activation des lymphocytes T CD4 infectés par le VIS.
In vitro, ces lymphocytes T CD8 régulateurs sont capables d’inhiber l’activation des lymphocytes T CD4 infectés par le SIV induite par d’autres stimuli (qui miment d’autres pathogènes). Du coup, les chercheurs pensent que ce serait pareil in vivo.
>>> Kriss: pas vraiment. Le VIS comme le VIH est un retrovirus, autrement dit c’est un virus qui doit s’intégrer dans l’ADN des cellules qu’il infecte pour pouvoir débuter son cycle de réplication, utiliser la machinerie cellulaire de son hôte, se multiplier et se propager dans l’organisme.
Or cette étape d’intégration ne peut se faire que dans des lymphocytes T CD4 activés.
Du coup, si on empêche cette activation grâce au vaccin, on va également empêcher l’intégration du virus et bloquer le cycle infectieux. Autrement dit, il n’y aura pas de réplication efficace, et le virus ne va pas infecter d’autres cellules.
On ne trouvera donc pas de virus dans le sang de l’individu infecté et il ne pourra donc pas infecter d’autres personnes.
🙂
>>> Camille: je n’en doutais pas. Il y a une biologiste cachée en toi.
🙂
Cet article est fort bien écrit en plus d’être fort intéressant.
Merci !
Bon, j’ai relu ton article deux ou trois fois avant de comprendre mais je ne suis pas encore sûre d’avoir tout compris 🙂
Du coup, est-ce que vaccin ne présente pas un risque de retour de bâton, comme par exemple le vaccin contre la grippe qui produit justement l’effet inverse et te refile la grippe au lieu de t’en protéger ? Parce qu’une grippe ça se soigne contrairement au VIH…
Je ne suis pas sur d’avoir tout compris mais c’est bon signe et cela prouve qu’il faut encore parler du VIH car mon dieu il y a tellement de personnes concernés :/
Merci de m’avoir rendu un peu moins blonde avant le we
Biz
que Dieu, le Tout Puissant vous guide dans vos démarches pour arriver rapidement à sauver des vies humaines. qu’Il vous protège ainsi que vos familles
amen!!!